Voyager est pour moi un besoin vital. J'ai besoin d'expansion, d'aller ailleurs, d'aller voir. Quand j'avais vingt-huit ans, j'ai vécu en Inde. J'y ai vu des choses révoltantes et d'autres sublimes. L'horreur et la grâce totale. Les ghâts de Bénarès, là où est concentrée toute la folie sainte des Indiens, resteront gravés en moi... Mon rêve serait d'être toujours partie, sur les routes".

Le monde selon... Valérie Lagrange
Guitare en bandoulière, elle se précipita en effet dans les tourbillons de l’après-mai 68 et prit la route. Sa trajectoire la mena de Rome à la Nouvelle-Guinée, puis de Katmandou à Ibiza, via Bénarès, Goa et le Lubéron la ou Sylvain et sa communaute se trouve , La totale !

« En 68, j’ai tout laissé tomber et j’ai plongé à fond dans l’utopie. »
Quel était votre état d’esprit avant de partir sur les routes ?
En 68, j’ai tout laissé tomber et j’ai plongé à fond dans l’utopie. J’étais persuadée que le monde allait changer, qu’il serait plus sympathique et plus lumineux. En fait, il a changé, mais pas dans le bon sens ! J’ai envoyé une lettre à Philips, ma maison de disque de l’époque, pour leur dire que le show-biz ne m’intéressait plus et que je partais sur les routes.

Quelle a été la première étape ?
Je suis d’abord partie pour Rome où je suis restée deux ans. Pendant un temps, avec Pierre Clémenti, Jean-Pierre Kalfon, Tina Aumont, Bulle Ogier et d’autres, nous avons vécu en communauté sur une île située au large de Positano. Elle appartenait au chorégraphe russe Leonid Massine. Je crois que c’est le lieu le plus paradisiaque que j’ai habité. Nous menions une vie tribale sur ce grand rocher, dans une vaste maison dotée d’une terrasse qui domine la mer à 360°, comme sur un paquebot. Vraiment magnifique. Et puis, en 1970, nous avons été engagés par Barbet Schroeder pour tourner La Vallée, un film qui raconte les pérégrinations de jeunes Occidentaux à la recherche d’une vallée paradisiaque en Nouvelle-Guinée.


Comment s’est passé ce séjour ?
Nous étions basés à Mount Hagen, dans les Highlands. Pour atteindre ce site depuis Port Moresby, la capitale, il fallait emprunter une piste pendant cinq heures. Ou bien circuler en petit avion. Quand on survolait la jungle, on voyait des fumées sortir des arbres. Le pilote nous disait : « Là, il y a des gens qui n’ont jamais vu de Blancs ». Sur la piste, on trouvait des lances plantées dans la terre des montagnes. C’était le signe qu’une bataille entre tribus venait de se dérouler. Ça fait bizarre ! Quatre jours après notre arrivée, nous sommes allés assister à un festival organisé par des Australiens. Le but de ce Woodstock papou était que toutes les tribus de l’île puissent se rencontrer. Il y avait là quatre ou cinq mille Papous habillés en grand apparat. Évidemment, Barbet a décidé de profiter de cet événement pour filmer quelques scènes. Hormis une poignée d’organisateurs et de journalistes, il n’y avait que des Papous. Et nous, qui arrivions de La Coupole ! Nous logions dans des tentes à côté des huttes des Papous. Je peux vous dire que la nuit, la parano courait dans l’équipe ! Un jour, pour les besoins d’une scène, nos personnages devaient prendre de la datura, une plante hallucinogène locale très prisée. Normalement, nous devions faire semblant d’en prendre. Mais comme nous étions un peu... On a dit : pas question de faire semblant, on va en prendre vraiment. Nous étions habitués à prendre du LSD, du peyotl et tout un tas de choses de l’époque. Donc, nous n’avions pas peur de la datura. Cette drogue a eu un effet complètement dingue sur Kalfon : il hallucinait, il ne nous entendait, ni ne nous voyait plus. Ça a été de délire en délire : il prenait les doigts de Bulle Ogier pour des frites, il essayait de faire coulisser les murs, il mangeait de l’herbe à quatre pattes, etc. J’ai veillé sur lui toute la nuit et au petit matin, j’ai pu lui donner un calmant pour qu’il dorme. Une heure après, il s’est réveillé avec toute l’équipe autour de lui, se demandant ce que nous faisions là. Quand on lui a raconté, il était mort de rire... Cela avait été effectivement comique, mais cela aurait pu très mal se terminer. Le tournage fini, j’ai décidé d’aller en Inde, car j’avais découvert les philosophies orientales. J’avais gagné un peu de sous et je détenais un billet « tour du monde » que je pouvais utiliser durant un an. Il était donc évident que je n’allais pas rentrer directement à Paris. Je suis donc partie au hasard, avec mon fils de dix ans et un ami.

Avez-vous sillonné l’Inde ou vous êtes-vous installée quelque part ?
Après être passée par Ceylan, Bombay et Delhi, je suis arrivée à Katmandou. Là j’ai trouvé à me loger chez des paysans, près du temple de Bodenat. J’habitais au premier étage ; au rez-de-chaussée, il y avait deux vaches. J’allais tous les jours dans un monastère restauré par une riche Américaine, où se trouvaient des lamas tibétains qui livraient leur enseignement aux Occidentaux intéressés. Je lavais mon linge à la fontaine publique - l’eau sortait par quatre grosses têtes de dragon -, parmi les femmes de ce village dans lequel vivaient de nombreux Tibétains réfugiés. J’étais émerveillée par les Tibétaines. Je les voyais fumer la pipe dans la rue. Je les observais quand elles discutaient entre elles, assises par terre, au soleil, en train de masser leurs bébés avec de l’huile de moutarde. Pendant ce temps, les hommes tricotaient de très beaux pulls multicolores... Au bout d’un moment, je me suis séparée de mon copain, un gauchiste qui ne supportait pas que je sois dans le trip spirituel. Il trouvait ça complètement débile et faisait n’importe quoi pour aller dans le sens contraire, comme conduire une moto à 120 dans les rizières. Il y a eu un clash terrible entre nous à cause de ça. Nous étions jeunes, avec des idées arrêtées sur les choses. Du coup, seule avec mon fils, j’ai décidé de poursuivre mon voyage au feeling. J’ai pris la direction du Sud... Après un long voyage en bus, nous sommes arrivés à quatre heures du matin à Bénarès. Grand souvenir. Tout ce que je voyais était incroyable ! Après avoir posé nos sacs, nous sommes allés directement sur le Gange pour voir le soleil se lever. Des gens priaient, d’autres faisaient leurs besoins en nous regardant passer, des morts étaient emmenés à la crémation... Je suis restée un mois à déambuler, fascinée par l’atmosphère. J’étais inconsciente, quand même : mon fils jouait avec des petits lépreux... Heureusement, rien de grave n’est arrivé. Un jour que nous étions dans une ruelle, j’ai vu arriver une charge de buffles. Nous étions coincés, mais des boutiquiers nous ont sauvés en nous happant dans leur magasin... Un mois a passé, l’hiver arrivait, il faisait froid... On m’a parlé de Goa...

N’étiez-vous pas un peu fatiguée ?
Quatre mois chez les Papous, autant à Katmandou et à Bénarès : j’étais un peu sonnée. La solitude, la chaleur, la misère, la beauté... J’ai trouvé une maison portugaise à louer à Anjouna, une plage de sable blanc près de Goa. Là, il y avait plein de hippies, souvent dans des états pas terribles, parce que très drogués, très pauvres, très sales. Très fous aussi, surtout les Français, qui étaient les plus amochés. On vivait nus sur les plages, sans problème avec les flics. Une nuit de full moon party, il y a eu distribution de LSD autour de grands feux. J’en ai pris et, je ne sais pas ce qui s’est passé - peut-être parce que j’avais perdu mes repères depuis si longtemps -, mais j’ai été très mal. Je suis montée en haut d’une colline pour m’extraire un peu. J’ai regardé la lune et là, j’ai cru que j’étais sur le point de comprendre ce que c’est que la vie, la mort, l’existence, l’être. C’était horrible ! Je me suis recroquevillée pour ne pas comprendre. C’était trop ! J’ai pensé à mon fils, la seule « chose » qui pouvait me faire remettre les pieds sur terre, et je suis allée le chercher sur la plage où il jouait avec d’autres enfants. Pendant deux jours, j’ai erré sous les cocotiers en priant Dieu de me laisser redescendre, en lui promettant de me tenir tranquille à l’avenir... Enfin, j’étais en plein délire. Alors que j’étais en train de me dire que je devenais folle et qu’on allait m’interner, je rencontre une femme blonde, cheveux au vent, portant un bébé : superbe ! Je m’approche d’elle : elle s’appelait Ève, était française et nous avions des amis en commun à Paris ! Comme elle logeait avec son ami et ses deux bébés - nés à Bali, sur la route - près de ma maison, elle s’est occupée de moi et nous sommes devenues amies. Nous avons commencé à parler de retour. Deux mois plus tard, nous avons senti qu’il fallait rentrer à Paris. Mon fils, lui, avait hâte de lire les Pif Gadget que lui achetait sa grand-mère !

Propos recueillis par Michel Doussot
Mise en ligne le 22 septembre 2003 suite de l'interwier sur le guide du routard

News
-:[ "Mémoires d'un temps où l'on s'aimait" ]:-

Les éditions "Le pré aux clercs" ont publié en février 2005, le livre de Valérie Lagrange intitulé "Mémoires d'un temps où l'on s'aimait".
Au lendemain de mai 1968, Valérie Lagrange abandonne tout : sa maison, ses attaches, sa carrière d'actrice et de chanteuse, happée par le vent du changement qui soufflait sur un monde jusque là figé dans son conformisme.
Contrairement à nombre d'artistes qui vécurent des temps "révolutionnaires" en se contentant d'en emprunter la forme, elle vécut l'expérience hippie jusqu'au bout, pour le meilleur et pour le pire. Durant plusieurs années, tumultueuses ou exaltantes, elle partagea la vie de communautés de musiciens et voyagea au fil de ces nouveaux courants, de l'Italie à Katmandou, en passant par l'Asie et la nouvelle Guinée, "habitée par le naïf mais ô combien lumineux espoir que nous allions rendre le monde meilleur".

Ces "Mémoires d'un temps où l'on s'aimait" constituent un témoignage sans concession, émouvant et sensible, sur les années Peace and Love.

Archives

ALBUM FLEUVE CONBO
C’est instinctif, lorsqu’on écoute un album, on en profite pour regarder dans le détail la jaquette. A la rubrique ?merci à? on y trouve du beau monde. Benjamin Biolay évidemment, puisqu’il réalise la presque totalité de l’album, mais aussi à des titres divers, Jacques Higelin et Louis Bertignac. Du coup avec des pointures pareilles on s’attend à ce que ce soit très bien produit et ça l’est. Les textes sont ciselés, on sent bien que ce ne sont pas là des paroles en conserve, prêtes à servir pour n’importe quelle chanteuse fabriquée par la télé. Des paroles d’autant plus remarquables qu’elles sont mises en valeur par la limpidité de la voix de Valérie Lagrange.
A écoutez en priorité, La chanson de Tessa en duo avec Biolay et la chanson qui donne son nom à l’album, Fleuve Congo, un régal de poésie. J’ai bien aimé aussi l’ambiance mi-cubaine mi-baloche sur La maison sous les glycines, l’ambiance orientale sur La prière, et l’harmonica façon Dylan sur Julien.

EXTRAITS

Avec une bande de copains artistes, Jean-Pierre Kalfon, Pierre Clémenti, Tina Aumont et Bulle Ogier, elle part vivre en communauté sur une île au large de l'Italie. Un esprit de totale liberté les unit et Valérie apprend à jouer de la guitare et perfectionne son anglais en apprenant les textes de Bob Dylan. En 1970, le cinéaste Barbet Schroeder engage l'équipe pour tourner La vallée, qui raconte les pérégrinations de jeunes européens partis à la recherche d'un lieu de vie paradisiaque en Nouvelle-Guinée.

Après le suicide de son mari, Valérie éprouve le besoin de poursuivre l'aventure et part, avec son fils de neuf ans pour Bombay où vit un de ses amis. Elle s'installe chez lui quelques temps, puis découvre la vie des paysans près de Katmandou, avant de rejoindre une communauté hippie à Goa. Finalement, elle ressent le mal du pays et pense à l'éducation de son fils, si loin de ses racines.

Le retour au monde occidental n'est pas rose. Valérie Lagrange s'exile un temps dans un petit village de Provence investi par une communauté hippie

Elle est comme un cheval sauvage
Indompté
Qui refuse d'entrer dans la cage
Où tant d'autres sont enfermés
Elle porte gravée dans sa chair
À jamais imprimée
La marque indélébile
De la la liberté
La folie

EXCLUSIF : ecoute les extraits des chansons de valerie

1. Faut plus me la faire
2. Sauve-moi
3. C'est en divisant
4. I want you
5. A quoi tu sers
6. Le jeu
7. Une autre vie
8. Hair est si facile

9. Etiquettes
10. Ce sera le jour
11. Chez moi
12. Masters of war
13. Show-biz
14. Toi
15. Alerte
16. Vengeance

volume n°2

1. Au coeur de l'amour
2. La folie
3. On meurt tous d'amour
4. Héroïne de série noire
5. Je ne peux plus
6. A contre courant
7. Personne n'entend
8. Je suis l'homme

9. Conditionné
10. Animal sauvage
11. Besoin d'amour
12. L'espace d'un instant
13. Sans toi
14. Rebelle
15. Un peu de vérité
16. L'amour c'est ma maison

 

CONCERT DE VALERIE LAGRANGE
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25-04-2005
26-04-2005
à 20h00
Paris Le sentier des Halles
50, rue d'Aboukir 75002 Paris
entrée : 20,00 euros
Renseignements et réservations : 01.42.61.89.96
Location : Fnac, Virgin, Carrefour, Info Concert

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NOUS SERONS AU CONCERT DE VALERIE LAGRANGE LE 25 AVRIL 2005 a PARIS RENDEZ VOUS LA BAS

Pour en savoir plus aller sur le site officiel de Valerie , Michel qui s'occupe du site est vraiment super

 Valérie Lagrange - Site officiel
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